Le Dauphiné Libéré - 27 septembre 2007 (extraits)

Soldat, peintre et témoin

DE LA SAVOIE
AUX BORDS DU RHÔNE


Né à Aigueblanche (Savoie) en 1890, Adrien Ouvrier vécut sa jeunesse à Narbonne puis fut étudiant à Toulouse, avant de rejoindre la capitale. Il préparait le concours du prix de Rome lorsqu'il fut mobilisé. Revenu à la vie civile, le 31 juillet 1919, le jeune artiste choisit l'enseignement. Titulaire d'un professorat de dessin d'art, il s'installa en 1923 à Vienne où se déroula la majeure partie de sa carrière.

En août 1947 disparaissait le peintre Adrien Ouvrier. C'est un bel hommage qui lui est rendu, pour le 60e anniversaire de sa mort, avec la publication de l'ouvrage très abondamment illustré que. lui consacre Roger Lauxerois : Adrien Ouvrier, carnets et croquis de guerre 1914-1918
Incorporé de 1914 à 1919, Adrien Ouvrier avait en effet tenu son journal, agrémenté de dessins au crayon, sépias, encres, aquarelles, toutes ces oeuvres réalisées sur le terrain, dans les tranchées, parfois sous le tir de l'ennemi.
Le peintre, devenu professeur de dessin d'art à Vienne, parlait peu de la guerre, où il avait vu mourir son frère, et il rangea ses carnets, pour ressortir le dernier, en 1939, quand il fut à nouveau mobilisé.
.Bien des années plus tard, son fils Christian se décida à les monter au public, non sans hésitation, à l'occasion d'une journée sur le patrimoine et la mémoire au Collège Ponsard, où son père avait enseigné.Pendant quatre mois, il retranscrivit la fine écriture de son père, scanna les pages et les présenta sur un site intemet (adrien.ouvrier.free.fr}.

Simple dépositaire

Puis tout s'enchaîna. Du 10 octobre au 11 novembre 2002, Le Dauphiné libéré publia quotidiennement des extraits illustrés. Quelques mois plus tard, les Amis de Vienne consacraient un numéro spécial de leur bulletin, avec d'autres textes et des illustrations (No 97 - 2002 -fasc.4).
Sur les conseils d'amis, Christian Ouvrier qui se considérait comme le dépositaire de ces témoignages et non comme leur propriétaire,

fit don des précieux carnets aux musées de Vienne, et le conservateur Roger Lauxerois organisa au printemps 2005 une exposition qui fit date, avec une remarquable scénographie de Christian Lureau.
Restait à franchir la dernière étape: la publication d'un livre. Plusieurs éditeurs d'art, intéressés, contactèrent Christian Ouvrier mais Roger Lauxerois voulut prendre son temps:
"Je ne regrette pas d'avoir attendu, avoue-t-il. Le projet a mûri environ un an, pendant mon temps libre. Ce qui nous a permis de découvrir deux nouveaux carnets chez des collectionneurs particuliers ils faisaient vraisemblablement partie des carnets commandés au peintre par son colonel. "
Ces nouveaux carnets sont tout naturellement venus enrichir le livre.


Françoise PUISSANTON


Christian Ouvrier, toujours ému quand il évoque son père.

L'auteur, Roger Lauxerois, a pris un plaisir immense à écrire.
Pour Christian Ouvrier, cette édition est naturellement un geste d'amour pour son père, mais répondait aussi à une nécessité
"Mon père est décédé en 1947 à l'âge de 57 ans alors que j'en avais onze, il m'a laissé ce témoignage. Malgré la souffrance que cela pouvait représenter pour moi et que l'on peut imaginer, de me re-plonger dans l'épreuve qu'a vécue mon père, j'ai estimé que ce document dont je n'étais en fait que le dépositaire et non le propriétaire devait être connu du public et notamment des jeunes géné-rations, il s'agit d'un devoir de mémoire. Ce témoignage ne m'appartient plus mais il appartient désormais à chaque lecteur, et je remercie tous ceux qui m'ont encouragé et qui depuis des années oeuvrent pour la mémoire de mon père, tout comme je remercie Roger Lauxerois pour l'excellence de son travail."
C onservateur (pour. quelques jours encore) des musées de Vienne, Roger Lauxerois confie :
" J'ai écrit .ce livre dans le même esprit que nous avions conçu l'exposition. J'ai pris le parti de ne pas publier d'extraits, puisque cela avait déjà été fait par le Dauphiné Libéré et par les Amis de Vienne. J'ai choisi de procéder par thématique : vivre au front, la solidarité entre les combattants, la nouvelle guerre, la guerre entre nostalgies et barbaries, etc. J'ai pu me livrer à un travail d'analyse, de vérification et de confrontation avec d'autres sources...
J'ai également été très sensible aux liens qui unissaient le jeune artiste à son maître, le graveur Laguillermie, de l'Académie des Beaux-Arts. La correspondance entre le maître et le disciple est très intéressante et constitue une originalité du cas Adrien Ouvrier."